JUNOUn film de Jason Reitman
Avec Ellen Page, Michael Cera, Jason Bateman, Jennifer Garner...
Durée : 1h32
Date de sortie :
Février 2008Deuxième long-métrage pour le réalisateur de Thank you for Smoking et seconde réussite. Après la comédie le plus cynique et jouissive de l’année dernière, Jason Reitman revient avec un film étonnant, démarrant avec la même ironie que Thank You… et progressant peu à peu vers une fable sur la vie, l’amour et le don de soi.
A la fois mordante et terriblement décalée, Juno est une oeuvre particulièrement attachante servie par une galerie de comédiens épatants toujours prêts à faire décoller le spectateur... Les émotions se bousculent et s’entrechoquent et font de Juno un petit bonheur sur grand écran.Honnêtement, on ne s’attendait pas à ça ! Thank you For Smoking respirait le cynisme, la méchanceté, le second degré dévastateur et la crise de rire nerveux et Jason Reitman sonnait comme un nom de rebelle, un petit Gavroche au grand Hollywood. De Juno, on pouvait attendre une terrible critique du système américain, une claque aux adolescents boutonneux et abrutis, bref Juno était la petite teigne à venir. La jeune fille de 16 ans qui, contre vents et marées, se bat pour assumer sa différence et ses choix ! C’est dingue à quel point on peut se planter. Car Juno est à cent lieues de nos attentes...
Jason Reitman fait en effet le pari de raconter une histoire simple avec un minimum d’effets et un maximum d’efficacité. Saluons tout d’abord la subtilité déconcertante du scénario qui ne tombe jamais dans la facilité. Les personnages, lumineux dans les moindres recoins forment un ensemble d’une étonnante homogénéité... Alors que nous aurions pu attendre une masse concentrée contre le personnage de Juno, jeune adolescente trop mature pour son âge et terriblement cynique, c’est l’inverse qui se produit. Soutenue par sa meilleure amie, sa famille et son petit ami, Juno ne s’en sort pas seule, elle est entourée. Du début à la fin...
Cherchant à tordre le cou des méchantes habitudes du cinéma américain, Juno se construit autour de personnages passionnants. A la fois touchants dans leur attachement à cette demoiselle retors mais profondément sensible, et surprenants par leurs capacités à surmonter tous les clichés, la famille MacGuff et cie forme un ensemble des plus riches scénaristiquement parlant. La belle-mère devient ainsi un être divin, une figure maternelle protectrice inattendue et inhabituelle. La meilleure copine, pom-pom girl surmaquillée, possède cet humour et cette candeur permettant de dédramatiser la moindre situation. Le père est présent, prêt à assumer les erreurs de sa fille et à en rire...
Le couple de parents adoptifs n’est pas taillé dans la pierre et recèle quelques faiblesses. Le petit ami, quant à lui, cherche à prendre ses responsabilités et apprend à grandir ! Bref, que du neuf. Et au-dessus du lot on retrouve donc cette petite Juno, interprétée par la grande Ellen Page, qui use de son pouvoir de persuasion, de son cynisme et de sa grande gueule pour s’affirmer et se construire cette carapace. Pour ceux qui connaissent, Juno c’est un peu Daria en chair et en os. Mais contrairement à la jeune lycéenne, Juno sait ouvrir son coeur. Avec précautions, mais elle sait le faire...
C’est ce qui nous fait perdre pied.
Lorsque ce monstre de flegme et d’assurance qu’est Juno commence à perdre de sa splendeur et à s’ouvrir aux autres, à émettre ses doutes, à s’attacher à cette mère de famille frustrée admirablement bien jouée par Jennifer Garner tout en nuances, alors on craque. Etonnament, alors que le film emprunte au départ les chemins d’une véritable comédie où les mots font mouche et les personnages savent se renvoyer l’ascenseur, Juno penche doucement, dans sa seconde partie, vers une écriture plus émotionnelle... La scénariste, Diablo Cody, semble ne pas pouvoir aller jusqu’au bout de son cynisme et à force de présenter des personnages profondément humains et bourrés d’amour, elle bifurque vers une approche plus émouvante de son sujet. Ce que Jason Reitman arrive à rendre avec un grand talent puisque sa mise en scène devient moins brisée, se porte plus sur les visages et les corps et mine de rien, ajoute à son film une dimension proprement émouvante...
Le film s’assume de bout en bout et ne perd jamais de vue son sujet et ses personnages. Personne n’est à sa place et tout le monde semble y prendre un grand plaisir. Les rôles sont alors inversés : les adolescents s’engagent quand les adultes se séparent, la notion d’âge et d’expérience disparaît au profit d’une élégante fable au goût de quête intitiatique et Juno devient alors une jeune fille dont la grossesse va chambouler les aprioris de tous et de chacun. Un petit humain dans un ventre qui redonne le sourire et qui se fait attendre, pour le plus grand bien de ceux qui l’entourent...
Une vraie petite réussite. Critique de DVDRama: http://www.dvdrama.com/news-23511-juno.php